LA PLACE DE LA SOUPLESSE DANS LA YOGA

On ne cessera jamais de le rappeler : nul besoin d'être souple pour faire du yoga !

C'est ici l'un des pires clichés dont souffre la discipline. C'est vraiment dommage, car de nombreuses personnes se privent de yoga croyant leur corps trop raide pour les exercices posturaux. Le yoga s'adapte à toutes les particularités aussi invalidantes soient-elles !

C'est là toute sa magie...

Et plus vous êtes raide, plus le yoga vous sera salutaire.

La souplesse est bel et bien le résultat de la pratique régulière, ce n'est en aucun cas un prérequis!

Le corps humain est physiologiquement souple, on peut facilement l'observer chez les jeunes enfants, ou dans sa propre évolution. Quand on assiste à un spectacle de danse ou d'acrobatie, ou bien dans un cours de yoga, on a souvent toujours cette impression que les prouesses sont simples à réaliser... C'est probablement lié au fait que l'outil principal est le corps et que l'inconscient se dit « En travaillant, moi aussi, je pourrais y arriver »… Et c'est juste ! La souplesse n’est pas un talent quelconque, mais une capacité intrinsèque abîmée par les tensions mentales, la sédentarité et la vie moderne.

Il est en revanche possible de la retrouver grâce au yoga.

Les postures statiques où l'attention est portée sur le souffle vont progressivement éliminer les résistances physiques liées au manque de confiance (en soi, en autrui, en la vie… ) En effet, une carence de confiance entraîne des angoisses qui rigidifient le corps.

Les postures dynamiques et répétitives vont quant à elles venir réveiller les muscles profonds peu sollicités dans la vie moderne. C'est pourquoi il est possible d'avoir des courbatures après un cours de yoga qui vous a semblé plutôt soft.

Enfin, le travail que propose le yoga avec la maîtrise de la respiration permet d'évacuer et de relâcher sur tous les plans. Plus les exercices respiratoires seront faits avec attention, plus le corps s'assouplira et s'abandonnera, et plus l'esprit sera libre. C'est un cercle vertueux dans lequel la liberté de mouvement et le relâchement mental se nourrissent mutuellement.

La musculation ne doit cependant pas être négligée. En effet, un muscle exclusivement étiré verra sa puissance s'affaiblir et aura tendance à s'allonger. À l'inverse, un muscle sans cesse renforcé perdra sa souplesse et sera limité en amplitude de mouvement car trop court. C’est encore et toujours l’équilibre entre le travail de la souplesse et celui du renforcement musculaire qui sera le plus bénéfique.

Bien que devenir souple ne soit pas une finalité du yoga, constater une amélioration sur ce plan a un effet très positif sur le moral. Cette progression peut même être très rapide chez certaines personnes. C'est une fois encore, la preuve que rien n'est figé et que tout est en perpétuelle évolution. Le dépassement de soi n'est pas réservé aux sports extrêmes, loin de là, on peut aussi faire cette expérience dans le yoga à condition de persévérer et d'être patient-e.

La raideur n'est donc en rien un obstacle à la pratique du yoga, c'est au contraire une voie de progression pour une meilleure connaissance de soi. Si le travail de la souplesse vous est vraiment douloureux, cessez de focaliser sur cet aspect concentrez-vous sur tous les autres bienfaits du yoga. Après avoir fait ce travail de détachement, il y a fort à parier que la souplesse se sera améliorée.

Souplesse du corps et de l'esprit

L'intime relation qui relie le corps et l'esprit n'est plus à prouver depuis longtemps. On continue pourtant de distinguer les deux comme s'ils étaient des adversaires alors qu'ils sont de fidèles partenaires.

Pratiquer le yoga sans travailler sa pensée, c'est un peu comme faire une photo les yeux fermés... C'est pour cela que les deux premiers piliers du yoga sont consacrés à l’éthique du yogi.

On parle en premier lieu des « Yamas » (premier pilier ou premier membre) qui correspondent aux relations que le ou la pratiquant-e observe avec autrui :

• La non-violence (ahimsa)

• La loyauté (satya)

• La résistance aux désirs anarchiques, ne pas voler (asteya)

• La modération des sens (bramacharya)

• La sobriété (aparigraha)

Viennent ensuite les « Niyamas » (second pilier ou second membre) qui correspondent aux attitudes envers soi-même :

• La pureté du corps et de l'esprit (shauca)

• Le contentement (samtosha)

• La discipline (alimentation, sommeil, loisirs ...) (tapas)

• L'auto-étude, la remise en question permanente (svadhaya)

• L'abandon, la confiance en la vie (ishvara pranidhana)

Les asanas (postures de yoga) viennent seulement en troisième position juste devant le contrôle du souffle (pranayama). On parle ensuite du retrait des sens (pratyahara), de la concentration (dharana), puis vient la méditation (dhyana) et enfin le samadhi, qui est un état d'intégration complète avec l'objet de méditation.

Tout cela peut sembler un peu scolaire voire militaire si on considère le yoga uniquement comme un moyen de détente ou d'amélioration de la souplesse. C'est pour cette raison que la démarche généralement adoptée débute par la pratique des postures (asanas) et se poursuit par les exercices de respiration (pranayama). L'association de ces deux membres du yoga entraîne nécessairement une amélioration tant de la relation à soi que vis à vis des autres. Les deux premiers piliers (yamas et niyamas) s'intègrent alors de façon plus ou moins consciente. La concentration (dharana) et le contrôle des sens (pratyahara) se développent parallèlement.

Les deux derniers membres du yoga méditation (dhyana) et samadhi apparaîtront successivement comme le résultat de l'application des six autres piliers. Ces huit membres du yoga croissent simultanément, exactement de la même façon que grandissent les membres du corps humain. Ils forment une équipe soudée.

La souplesse gagnée au travers du corps physique grâce à la pratique posturale se propage progressivement dans l'entièreté de l'être. Ainsi, les principes éthiques (yamas et niyamas) ne sont plus perçus comme des contraintes, mais comme des évidences pour s'améliorer.

Lorsque le corps se délie, on constate que l’esprit s’assouplit également. Le yoga nous enseigne peu à peu à prendre de la distance face à nos émotions et au monde qui nous entoure. Les réactions se transforment en actions dans lesquelles il n'y a aucune attente de résultat, et ça change tout !

Le yoga est un moyen de travailler avec le corps et l'esprit, non contre eux. Tirer parti du courant du fleuve pour se laisser porter est plus agréable que de nager en vain à contre-sens...

Face aux découvertes incroyables que l'on peut faire en retrouvant de l'élasticité, on peut éprouver des sentiments très positifs que l'on a trop peu souvent envers soi-même. La confiance se renforce.

Cela-dit, le sujet de la souplesse en yoga reste très vaste et les idées reçues sont hélas très répandues. Il ne s'agit pas uniquement d'enchaîner les postures et de respirer consciemment, mais de cultiver simultanément et de manière égale tous les piliers du yoga sans attente ni préjugé.